REVIEW OF NEW TECHNOLOGIES AND METHODOLOGIES FOR EORE

L’éducation au risque (l’un des grands volets de la lutte antimines) a suscité un vif regain d’intérêt de la part de la communauté internationale, laquelle a reconnu qu’il était essentiel d’intensifier les efforts en la matière et d’élaborer de nouveaux outils, méthodes et stratégies pour protéger les civils des dangers liés aux engins explosifs

ÉDUCATION AUX RISQUES DES ENGINS EXPLOSIFS DANS DES ENVIRONNEMENTS COMPLEXES : ÉTUDE DE NOUVELLES MÉTHODES ET TECHNOLOGIES

Le Centre international de déminage humanitaire–Genève (GICHD) s’emploie à réduire les risques auxquels sont exposées les communautés du fait de la présence d’engins explosifs, notamment des mines terrestres, des armes à sous-munitions, des restes explosifs de guerre ou des stocks de munitions. Pour ce faire, il intervient dans trois grands domaines : appui sur le terrain axé sur le renforcement des capacités et le conseil, collaboration multilatérale axée sur les normes et les lois, et activités de recherche-développement axées sur des solutions de pointe. Le GICHD est l’un des principaux membres du Groupe consultatif sur l’éducation aux risques des engins explosifs (EREE) , dont il assure également le Secrétariat. Ce Groupe consultatif s’appuie sur l’expertise de plus d’une douzaine d’organismes des Nations Unies, organisations internationales et ONG internationales pour fournir de grandes orientations au secteur et trouver des moyens d’améliorer l’intégration, l’efficacité, la rentabilité et la pertinence des activités d’ EREE . Remerciements Cette étude a été menée par Matthieu Laruelle, Kaitlin Hodge et Sylvie Bouko. Elle était dirigée par le Groupe consultatif sur l’éducation aux risques des engins explosifs au nom du GICHD dans le cadre de son plan de travail 2020. Cette publication a pu être réalisée grâce au soutien financier du ministère norvégien des Affaires étrangères et du gouvernement suisse. Le GICHD tient à exprimer toute sa reconnaissance aux personnes et institutions qui ont si généreusement collaboré à ce projet en apportant des données d’expérience, des ressources et des avis d’experts. Il tient aussi à remercier tout particulièrement la Direction de la coordina- tion de la lutte anti-mines et le Programme de lutte antimines de l’Afghanistan pour avoir facilité l’organisation d’un atelier virtuel des parties prenantes dans le pays. Éducation aux risques des engins explosifs dans des environnements complexe : étude de nouvelles méthodes et technologies. ©GICHD, Genève, novembre 2020 ISBN: 978-2-940369-82-9 Le contenu de cette publication, sa présentation et les appellations employées n’impliquent de la part du GICHD aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires ou groupes armés, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. In case of doubt or differences of interpretation, the original language version (English) of this publication shall prevail over the French text.

ÉDUCATION AUX RISQUES DES ENGINS EXPLOSIFS DANS DES ENVIRONNEMENTS COMPLEXES : ÉTUDE DE NOUVELLES MÉTHODES ET TECHNOLOGIES

TABLE DES MATIÈRES

Résumé

8

Aperçu général

8

Principales conclusions et recommandations

9

INTRODUCTION

15

Objet

16

Portée, objectifs et méthode

17

CHAPITRE 1

19

TECHNOLOGIES EMPLOYÉES POUR LA MISE EN ŒUVRE ET LE SUIVI D’ACTIVITÉS D’EREE

19

Principaux éléments de réflexion 21 Médias sociaux et autres plateformes de communication numérique 25 Applications numériques 34 Réalité augmentée et réalité virtuelle 38 Dispositif vocal d’éducation au risque (DVER) 43 Collecte de données mobiles 45

CHAPITRE 2

51

MÉTHODES D’EREE DANS DES ENVIRONNEMENTS COMPLEXES

51

Partie A: Méthodes propres aux environnements complexes Méthodes propres à la mise en œuvre d’activités d’EREE par voie non numérique

52

52

Méthodes propres à l’éducation aux risques des EEI

55

Méthodes propres aux environnements urbains

58

Méthodes propres aux réfugiés et aux personnes déplacées de retour dans leur foyer

61

4 | Table des matières

Partie B: Méthodes globales d’EREE et mise en application dans des environnements complexes

65

Élargissement de la portée des activités : approches holistiques en matière d’EREE

65

Renforcement de l’impact : méthodes d’EREE axées sur le changement de comportement

72

CHAPITRE 3

81

AUTRES PRATIQUES ET INNOVATIONS UTILES

81

Stratégies d’innovation

82

Stratégies de communication d’informations adaptées

83

Communication sur les risques et engagement communautaire

87

Autres technologies

90

CONCLUSION

95

Annexe

99

Liste des parties prenantes consultées

100

Notes

103

Table des matières | 5

SIGLES ET ACRONYMES

EREE Éducation aux risques des engins explosifs FICR Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge HCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés HI Handicap International/ Humanity & Inclusion IMSMA Système de gestion de l’information pour l’action contre les mines ( Information Management System for Mine Action )

CAP Connaissances, attitudes et pratiques CCSC Communication pour le changement social et comportemental CDM Collecte de données mobiles C4D Communication pour le développement CICR Comité international de la Croix-Rouge CTMT Connaissance tactique des modifications du terrain

CREC Communication sur les risques et engagement communautaire

DCA DanChurchAid

DMA Direction de la lutte antimines ( Directorate of Mine Action ), Iraq

DMAC Direction de la

coordination de la lutte antimines ( Directorate of Mine Action Coordination ), Afghanistan DVER Dispositif vocal d’éducation au risque

EE Engin explosif

MAG Mines Advisory Group

EEI Engin explosif improvisé

6 | Sigles et acronymes

MA AOR Mine Action Area of Responsibility

REG Restes explosifs de guerre

MC Mercy Corps

RVA Réduction de la violence armée

NTAM Note technique de l’action contre les mines OIM Organisation internationale pour les migrations PM/WRA Bureau d’élimination et de réduction des armes rattaché au Bureau des affaires politico-militaires ( Bureau of Political-Military Affairs Office of Weapons Removal and Abatement ) PPC Préparation et protection en cas de conflit

SRPCS Sensibilisation au

risque et promotion de comportements sûrs

SLAM/UNMAS Service de la lutte antimines des Nations Unies UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance

Sigles et acronymes | 7

RÉSUMÉ

APERÇU GÉNÉRAL

Ces dernières années, le nombre de victimes d’engins explosifs (EE) parmi les civils a progressé à une vitesse alarmante. Cette forte augmentation s’explique par plusieurs facteurs – dont l’allongement de la durée des crises humanitaires, l’urbanisation des conflits, les déplacements de populations de grande ampleur ou l’utilisation très répandue d’engins explosifs improvisés (EEI) – qui entravent fortement l’efficacité et l’utilité des activités d’éducation aux risques des engins explosifs (EREE). Au cours de l’année écoulée, l’éducation au risque (l’un des grands volets de la lutte antimines) a suscité un vif regain d’intérêt de la part de la communauté internationale, laquelle a reconnu qu’il était essentiel d’intensifier les efforts d’EREE et d’élaborer de nouveaux outils, méthodes et stratégies pour protéger les civils des dangers liés aux EE. Si la pandémie de COVID-19 a favorisé l’émergence de nouvelles questions, elle a aussi servi de catalyseur en incitant le secteur de l’EREE à renforcer l’échange systématique de bonnes pratiques et entamer une réflexion commune sur des moyens innovants de sensibiliser au risque et de promouvoir des changements de comportement. La présente étude vise à éclairer la réflexion en cours des praticiens de l’EREE sur la manière de résoudre les difficultés décrites dans le document EORE Sector Mapping and Needs Analysis (Analyse du secteur et des besoins en matière d’EREE, en anglais uniquement) publié en décembre 2019 et d’autres problématiques apparues avec la crise du COVID-19. Pour ce faire, elle se penche sur de nouvelles technologies et méthodes prometteuses servant à la mise en œuvre et au suivi d’activités d’éducation au risque dans le but de répondre à trois grands enjeux: l’éducation aux risques liés aux EEI, l’éducation au risque dans des environnements urbains complexes et l’éducation au risque dans des zones difficiles d’accès ou inaccessibles. Ce rapport présente des exemples, de bonnes pratiques et de nouvelles solutions mises en œuvre pour résoudre ces difficultés, aussi bien au sein qu’en dehors du secteur de l’EREE, et s’appuie sur les dernières initiatives élaborées pour s’adapter à l’épidémie de COVID-19. Il s’achève sur un ensemble de recommandations et un inventaire des lacunes qu’il reste à combler. Les données figurant dans cette étude ont été recueillies entre décembre 2019 et juillet 2020 dans le cadre d’une analyse de documents, d’entretiens menés auprès de personnes-ressources clés, d’un atelier virtuel de parties prenantes et d’une enquête en ligne menée auprès de 34 organisations et 16 pays.

8 | Résumé

PRINCIPALES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Généralités • Le secteur de l’EREE étant appelé à évoluer rapidement pour s’adapter à des environnements toujours plus complexes, il importe de systématiser les méthodes d’apprentissage des praticiens afin de promouvoir l’innovation et d’accélérer le partage de connaissances entre pays, régions et organisations. Pour y parvenir, il est notamment proposé dans le présent rapport de: − Intégrer dans les cycles de programmation la mise en application des enseignements tirés de l’expérience et le partage des bonnes pratiques ; − Prévoir des capacités propres à l’EREE aussi bien au niveau mondial qu’au siège; − Renforcer les «écosystèmes d’apprentissage» en collaboration, les ateliers de partage de connaissances ainsi que les réseaux et partenariats entre praticiens ; − Encourager la coopération au moyen de mécanismes régionaux (à l’image du Centre de lutte antimines de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est ou du Groupe de travail régional sur des solutions durables pour la Syrie) ; − Assurer la traduction dans d’autres langues de publications pertinentes en matière d’EREE; et − Accélérer la création d’une bibliothèque ou d’un référentiel numérique mondial à l’intention des praticiens de l’EREE. • Pour réussir sa transformation, il est essentiel que le secteur favorise la collaboration et s’appuie sur les connaissances, les compétences et les ressources d’acteurs externes. S’il est généralement admis qu’il convient d’intégrer les activités d’EREE dans les initiatives de plus grande ampleur menées dans les domaines de l’humanitaire, du développement, de la protection et de l’éducation, comme énoncé dans l’Action n°28 du Plan d’action d’Oslo de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, le présent rapport montre que les interventions innovantes en matière d’EREE dépendent également de l’instauration de partenariats avec des spécialistes d’autres secteurs, par exemple ceux de la Communication pour le changement social et comportemental (CCSC), de la Communication sur les risques et l’engagement communautaire (CREC) ou des Technologies de l’information et de la communication (TIC), et avec des entreprises technologiques d’envergure nationale ou internationale, des laboratoires d’innovation, des spécialistes du marketing, du «design thinking»

Résumé | 9

(réflexion conceptuelle), de la réalité étendue, etc. Forts de l’expérience et du savoir-faire d’autres secteurs, les praticiens de l’EREE seront ainsi davantage à même de répondre aux besoins des communautés touchées par des engins explosifs. • Pour être efficaces, il importe que les activités d’EREE tiennent compte de la diversité des formes de vulnérabilité et des rôles et besoins différents des femmes, des filles, des garçons et des hommes en fonction des groupes auxquels ils appartiennent, et se fondent sur une analyse approfondie de la situation propre à chaque sexe et à chaque groupe. Il ressort du présent rapport que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour intégrer la perspective de genre et la dimension de diversité dans les programmes d’EREE, notamment en ce qui concerne l’utilisation de nouvelles technologies. En outre, plusieurs participants à l’étude ont indiqué que, souvent, les interventions d’EREE ne tenaient pas compte des besoins spécifiques des personnes handicapées et des survivants. • Très peu de données ont pu être recueillies sur l’efficacité des méthodes et technologies présentées en termes de changement de comportement. Bien que la présente étude n’ait pas eu pour objet de mesurer l’évolution des comportements ni d’évaluer l’impact des activités d’EREE, il apparaît indispensable de définir des lignes directrices mondiales pour l’ensemble du secteur, notamment en ce qui concerne les interventions dans des environnements complexes. La récente publication du HALO Trust, du Mines Advisory Group (MAG) et de Norwegian People’s Aid (NPA) intitulée Measuring Behavior Change Resulting from EORE and the Need for Complementary Risk Reduction Activities 1 (Évaluer les changements de comportement découlant des activités d’EREE et la nécessité d’activités complémentaires de réduction des risques, en anglais uniquement) et la dernière étude du secteur de la CREC sur les indicateurs permettant de mesurer l’évolution des comportements 2 peuvent servir de sources d’inspiration en la matière.

10 | Résumé

Technologies applicables à l’EREE • Globalement, les technologies numériques représentent un moyen économique et facilement modulable d’atteindre un grand nombre de personnes (notamment les jeunes). La plupart d’entre elles peuvent par ailleurs être aisément mises à jour de manière à s’adapter à des situations en évolution, par exemple en cas de nouvelle contamination, ce qui est très utile dans des environnements en constante mutation. • Lors de l’élaboration d’outils numériques, il importe que les praticiens appliquent de manière uniforme les principes fondamentaux qui régissent l’ensemble des activités d’EREE, ainsi que les normes internationales en vigueur dans le secteur. Il est également recommandé de respecter les principes pour le développement numérique (https://digitalprinciples.org) adoptés par la communauté mondiale. • Si l’utilisation des technologies numériques gagne du terrain dans le secteur de l’EREE et pourrait se généraliser, elle en est encore à ses balbutiements et son potentiel est encore largement sous-exploité. Il ressort de la présente étude qu’il est possible de mettre en place des actions de communication ciblée et bidirectionnelle en s’appuyant sur différentes solutions numériques et que les réseaux sociaux, les applications numériques, les technologies de réalité étendue et d’autres outils numériques ouvrent de très vastes horizons en matière d’EREE. Sachant que le secteur privé est à l’origine d’une grande partie des avancées dans le domaine des nouvelles technologies, il incombe au secteur de l’EREE d’encourager la création de partenariats stratégiques. • L’apprentissage par la pratique jouant un rôle fondamental chez les praticiens, il est essentiel qu’ils échangent et rendent compte de manière plus systématique des bonnes pratiques et des enseignements tirés de l’expérience, qu’ils élaborent de nouvelles lignes directrices (p. ex. des méthodes permettant de mesurer l’impact des outils numériques) et qu’ils s’emploient collectivement à combler les lacunes relevées. • Il est indispensable d’accorder une attention accrue à la promotion de l’innovation dans le secteur de l’EREE en prévoyant suffisamment de ressources, en créant l’espace nécessaire à l’innovation au sein des organisations et en instaurant une dynamique de collaboration. • La présente étude a néanmoins fait apparaître que l’innovation ne se limitait pas aux outils de pointe les plus récents ou les plus prestigieux. Elle entend montrer que faire preuve d’innovation consiste également à revoir les pratiques en vigueur à la lumière d’un nouveau contexte, à revenir aux fondamentaux en portant un regard différent ou inédit sur les choses, en élaborant des approches communautaires plus solides, en mobilisant davantage les capacités communautaires et en privilégiant des solutions plus globales et plus pragmatiques en matière de réduction des risques.

Résumé | 11

• Bien que de nos jours la communication se fasse de plus en plus souvent par voie numérique et que la crise du COVID-19 pousse les praticiens de l’EREE à élaborer des plans d’urgence et à remplacer les méthodes traditionnelles d’exécution et de suivi des activités d’EREE par des solutions numériques, les approches communautaires propices à l’instauration d’une relation de confiance demeurent essentielles à la réalisation d’activités d’EREE à la fois efficaces et adaptées. Il importe que les outils numériques (à l’image des applications) et les stratégies numériques (par exemple les campagnes sur les réseaux sociaux) viennent s’inscrire en complément d’interventions interpersonnelles et que les praticiens veillent à ne pas nuire et à ne pas élargir le fossé qui sépare les personnes connectées de celles qui ne le sont pas. Méthodes applicables à l’EREE • L’emploi de méthodes non numériques reste indispensable pour atteindre les communautés touchées et les groupes vulnérables n’ayant qu’un accès restreint, voire inexistant, au numérique. Dans ces cas précis, les relais communautaires – utilisés de longue date dans le secteur de la lutte antimines – et d’autres réseaux communautaires peuvent constituer des ressources extrêmement précieuses. Il conviendrait que les praticiens de l’EREE s’efforcent, si possible, de développer ces réseaux, tout en prenant les dispositions nécessaires pour se préparer et limiter les risques en cas d’obligation de réduire ou de renoncer à toute présence physique sur le terrain. Il importe de trouver des méthodes pour dispenser à distance des séances d’EREE complètes et interpersonnelles et pour atteindre les personnes d’un faible niveau d’alphabétisation, ayant un accès au numérique restreint ou présentant un handicap. • S’il est communément admis qu’il est essentiel que les populations exposées aient accès aux informations sur les risques et les comportements sûrs face aux EEI, aucun consensus ne s’est encore dégagé au sein du secteur sur la question de la présentation visuelles des EEI. En l’absence de solution universelle, il est recommandé aux praticiens de l’EREE de faire preuve de prudence, de mettre l’accent sur des messages plus généraux concernant la connaissance tactique des modifications du terrain (CTMT) et de rester vigilants face à l’imprévu. Si des images d’EEI sont utilisées, il est important de travailler en étroite coordination avec les équipes en charge des opérations d’enquête et de dépollution dans un souci constant de pertinence et d’exactitude. • En milieu urbain, où les frontières entre sécurité et insécurité se brouillent davantage, les praticiens de l’EREE se heurtent à des contraintes supplémentaires et doivent prendre ls dispositions nécessaires pour assurer la sécurité de leurs agents et veiller à ne pas nuire à l’ensemble de la communauté.

12 | Résumé

• Respecter les principes fondamentaux de l’EREE en termes d’éthique et d’efficacité est essentiel quel que soit l’environnement des interventions, et plus encore en cas d’environnement complexe caractérisé par une marge de manœuvre plus faible et un potentiel de risque plus élevé. Dans ce type de situation, appliquer des approches plus globales visant à accroître l’efficacité, la rentabilité et l’impact des activités d’EREE apporte une énorme valeur ajoutée. • Chacun s’accorde à reconnaître qu’intégrer l’EREE dans d’autres secteurs est essentiel pour lever les entraves structurelles et récurrentes à l’adoption et à la mise en pratique de comportements sûrs. La sensibilisation au risque et la promotion de comportements plus sûrs (RASB en anglais), la préparation et la protection en cas de conflit et la réduction de la violence armée sont trois types de démarches pleines de promesses : fondées sur une approche plus globale de la gestion des risques, elles visent à faire face à un plus large éventail de risques au sein des communautés exposées. Le secteur bénéficierait d’une transposition à plus grande échelle de ces approches pilotes, du partage des enseignements tirés de l’expérience et des bonnes pratiques découlant de la généralisation de ces approches, ainsi que de la collecte de données probantes témoignant de leur efficacité et de leur impact dans des environnements complexes. • Dans le cadre de l’EREE, les approches axées sur le changement de comportement cherchent à avoir une incidence plus marquée; elles tiennent compte des normes sociales et s’appuient sur elles, s’emploient à définir et à bien cerner leur public cible au moyen de processus participatifs, et mettent en œuvre une stratégie de communication en plusieurs volets. Bien que l’élaboration de processus de ce type et leur transposition à grande échelle puissent prendre du temps, ces approches sont extrêmement prometteuses s’agissant du renforcement de l’efficacité et de la rentabilité des activités d’EREE dans tous types d’environnements, y compris les environnements complexes. Il conviendrait que les partenaires et les bailleurs de fonds intensifient leurs efforts de sensibilisation pour que les projets d’EREE axés sur le changement de comportement bénéficient de financements plus importants. Le secteur bénéficierait également d’orientations sur la conception stratégique de projets d’EREE fondés sur la théorie du changement de comportement, ainsi que sur la façon d’employer des processus participatifs dans des situations où il est impossible d’atteindre les communautés touchées.

Résumé | 13

Autres innovations et pratiques pouvant servir d’exemple • La présente étude a permis de recenser plusieurs autres méthodes et technologies employées par d’autres secteurs que le secteur de l’EREE pourrait mettre à profit, à savoir : le «design thinking» (réflexion conceptuelle), les outils relatifs à la communication sur les risques et à l’engagement communautaire (CREC), la communication pour le développement (C4D), les technologies mobiles en provenance des secteurs public et privé de la santé, l’intelligence artificielle ou d’autres applications numériques. • Plutôt que de créer de nouvelles plateformes numériques spécifiquement consacrées à l’éducation au risque, les praticiens de l’EREE pourraient, le cas échéant, s’appuyer sur des initiatives existantes portant sur de multiples facteurs de risque. • La crise du COVID-19 a permis de faire avancer des initiatives innovantes et un enrichissement mutuel entre les secteurs de l’EREE, de la santé publique et d’autres acteurs de la CREC dont il convient désormais d’exploiter tout le potentiel.

14 | Résumé

INTRODUCTION

OBJET

Après avoir connu une baisse régulière sur une quinzaine d’années, le nombre de victimes d’accidents liés à des engins explosifs n’a cessé d’augmenter depuis 2014. Cette forte augmentation à l’échelle mondiale est en grande partie imputable à la hausse du nombre de victimes dans des régions et des pays en proie à des conflits armés d’une grande intensité ou de longue durée. Plusieurs autres facteurs expliquent cette progression du nombre d’accidents, notamment la menace que représentent les engins explosifs improvisés (EEI), les changements dans la nature des conflits (les hostilités se déroulant de plus en plus souvent en milieu urbain), et le fait qu’il est de plus en plus difficile, voire impossible, d’accéder aux communautés touchées et aux groupes de population déplacés. Nombre de ces facteurs entravent également la mise en œuvre et le suivi d’activités d’EREE à la fois ciblées et adaptées. Face à la nouvelle contamination de zones dans des environnements de plus en plus complexes, les acteurs de la lutte antimines ont dû adapter leurs pratiques en matière de mise en œuvre et de suivi d’activités d’EREE. Si, ces dernières années, le champ d’application de la lutte antimines a été rapidement élargi de manière à rendre le processus de remise à disposition des terres plus efficace, ce n’est que très récemment qu’un consensus s’est dégagé sur la nécessité de mettre l’accent sur le volet de la lutte antimines consacré à l’EREE pour enrayer l’augmentation du nombre de victimes. En témoignent la création en mai 2019 du Groupe consultatif sur l’éducation aux risques des engins explosifs 3 (ci-après le «Groupe consultatif ») et l’adoption en novembre 2019 par la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel du Plan d’action d’Oslo, lequel contient une section consacrée à l’éducation et à la réduction des risques. 4 La pandémie de COVID-19 qui a démarré pendant la réalisation de la présente étude a indéniablement aggravé la situation existante et fait surgir de nouvelles difficultés. Cette crise sanitaire sans précédent à l’échelle de la planète a également poussé les praticiens de l’EREE à se réunir pour réfléchir à des moyens de s’adapter de manière innovante et collective 5 et faire en sorte que les communautés touchées par des engins explosifs ne soient pas laissées pour compte. Dans ce contexte, la présente étude vise à recenser les nouvelles technologies et méthodes d’EREE utilisées dans le secteur de la lutte antimines et d’autres domaines afin de relever les grands défis énoncés dans une brève évaluation mondiale 6 publiée par le GICHD au nom du Groupe consultatif en décembre 2019: • Si l’ utilisation d’EEI n’est pas un phénomène nouveau, elle s’est fortement accentuée ces dernières années, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de victimes civiles et poussé la communauté en charge de l’EREE à revoir ses pratiques et à réfléchir à de nouveaux modes d’élaboration et de mise en œuvre efficaces d’activités d’EREE. En passant en revue les initiatives existantes dans le domaine de l’éducation aux risques des engins explosifs improvisés, la présente étude s’efforce d’apporter des éléments de réponse à certaines questions soulevées par les personnes interrogées. Citons à titre d’exemple : En quoi l’éducation aux risques liés aux engins explosifs improvisés est-elle différente de l’éducation aux risques liés à des dispositifs

16 | Introduction

fabriqués en usine? Ou encore: Quels sont les autres éléments à prendre en compte dans la réflexion sur le contenu des messages ou la présentation visuelle et s’agissant de questions éthiques, par exemple dans le cadre de l’approche «ne pas nuire»? • La morphologie complexe des conflits urbains et de la contamination par des engins explosifs présente de nouveaux défis en matière d’EREE, les bâtiments effondrés et d’autres infrastructures pouvant dissimuler des dangers dont les populations locales n’ont pas conscience. Les nouveaux arrivants ou les personnes de retour sont généralement peu informés et les messages du type «ne pas s’approcher, ne pas toucher, prévenir les autorités compétentes» ne sont pas suffisants dans des situations où les activités de dépollution sont limitées ou inexistantes et en cas de retour dans leurs foyers de populations vulnérables. • De même, il peut être difficile d’ accéder aux populations à risque en raison de contraintes géographiques, de variations saisonnières, de conflits en cours, de conditions d’insécurité ou d’obstacles d’ordre réglementaire. Dernièrement, de nouvelles restrictions en lien avec la pandémie de COVID-19 sont venues aggraver la situation, d’où la nécessité d’élaborer de nouvelles stratégies innovantes pour atteindre ces zones difficiles d’accès, dispenser des formations et mettre en place des activités de suivi. Il semblerait par ailleurs qu’un nombre croissant de donateurs demandent aux organisations chargées de la lutte antimines de prévoir des plans d’urgence ou de des plans de secours dans le cas où il serait impossible d’intervenir en présentiel.

PORTÉE, OBJECTIFS ET MÉTHODE

La présente étude a pour principal objectif de donner des exemples de technologies et de méthodes à la fois innovantes et prometteuses utilisées dans le secteur de la lutte antimines mais aussi dans d’autres domaines aux fins de la mise en œuvre et du suivi 7 d’activités d’EREE dans les environnements complexes évoqués plus haut. Elle vise à contribuer au développement et à un partage plus systématique de bonnes pratiques en matière d’EREE et, à terme, à étayer l’élaboration de nouvelles Normes internationales de l’action contre les mines et la création de nouvelles lignes directrices. Cette étude a été réalisée de décembre 2019 à juillet 2020; elle se fonde sur une analyse de documents, des entretiens en tête-à-tête et à distance auprès de personnes-ressources clés, des échanges de courriers électroniques, une enquête en ligne et un atelier virtuel 8 ayant réuni 10 parties prenantes d’Afghanistan. D’une grande diversité, les participants à l’étude provenaient de différentes zones géographiques et de pays confrontés à de nouveaux défis. Des praticiens et des responsables de l’EREE y ont également pris part. Au total, elle s’appuie sur des données d’expérience et des documents communiqués par 86 acteurs de 16 pays 9 (ainsi que par des représentants régionaux et mondiaux) et 34 entreprises de secteurs très divers. 10 Près de la moitié des personnes consultées (soit 45%) étaient des femmes.

Cette étude présente néanmoins certaines limites. Les réponses dans le cadre de l’enquête en ligne et la capacité à fournir des informations qualitatives sur les nouvelles

Introduction | 17

technologies et méthodes employées (et à communiquer des documents à l’appui), ont été très variables d’une partie prenante à l’autre. En outre, certains acteurs n’ont pas pu pleinement participer à l’étude en raison de l’apparition de la pandémie de COVID-19 et de la redéfinition des priorités qui s’en est suivie. De même, une visite sur le terrain en Afghanistan initialement prévue en avril 2020 a dû être annulée en raison de restrictions de voyage et remplacée par un atelier à distance. S’il ne fait aucun doute que certains acteurs de la lutte antimines s’investissent de plus en plus activement dans l’éducation au risque pour faire face à de graves menaces à la sécurité (p. ex. en cas d’EEI porté par une personne), cet aspect sort du cadre de la présente étude, laquelle porte essentiellement sur les dispositifs existants, déclenchés par les victimes. Dans le projet de Note technique pour l’action contre les mines consacré à l’éducation aux risques liés aux engins explosifs improvisés, le terme «dispositif existant» s’entend de tout engin «ne relevant plus du contrôle effectif de l’individu ou du groupe à l’origine de son déploiement, et dont les populations et les autorités compétentes au niveau local souhaitent l’élimination». Le degré de précision du présent rapport dépend des informations disponibles et des données communiquées par les acteurs au moment de la rédaction du document. Celui-ci ne prétend pas être exhaustif et entend plutôt donner un aperçu des activités susceptibles de servir de source d’inspiration aux praticiens de l’EREE. Les difficultés actuelles liées à l’épidémie de COVID-19 stimulant l’innovation, il y a sans doute à apprendre de nombreux autres exemples qui ne figurent pas dans la présente étude. Enfin, il convient de noter que ce rapport ne constitue en aucun cas une évaluation des technologies et méthodes actuellement utilisées par les praticiens de l’EREE et/ou d’autres secteurs.

Ce rapport se divise en trois grands chapitres :

• Le premier chapitre passe en revue une série d’initiatives qui s’appuient sur la technologie et les outils numériques pour mettre en œuvre des activités d’EREE et en assurer le suivi dans des environnements complexes. • Le deuxième chapitre étudie les méthodes qui sont employées soit dans le but de relever directement les défis exposés dans la présente étude, soit afin d’enrichir les activités d’EREE dans des environnements complexes. • Le troisième chapitre présente différentes initiatives et pratiques employées dans d’autres secteurs dont les praticiens de l’EREE pourraient s’inspirer et qu’ils pourraient adapter et mettre en œuvre dans leur propre domaine d’activité. Les ressources consultées dans le cadre de la présente étude ont été réunies dans un catalogue disponible en ligne à l’adresse suivante : www.eore.org. Les conclusions et recommandations présentées dans ce rapport visent également à aider le Groupe consultatif sur l’éducation aux risques des engins explosifs à définir ses priorités et à établir une feuille de route pour 2021 et au-delà.

18 | Introduction

CHAPITRE 1 TECHNOLOGIES EMPLOYÉES POUR LA MISE EN ŒUVRE ET LE SUIVI D’ACTIVITÉS D’EREE

Depuis de nombreuses années, le secteur de la lutte antimines cherche de nouvelles manières d’exploiter les outils numériques et les nouvelles technologies dans le domaine de la dépollution, de la gestion de l’information, des enquêtes, etc. Organisé tous les ans par le GICHD, le Mine Action Technology Workshop 11 (Atelier sur les technologies de l’action contre les mines) réunit des professionnels du secteur et d’autres spécialistes pour échanger des idées et des données d’expérience et mettre l’innovation et la technologie au service de la lutte antimines de manière efficace et rentable. Une partie des personnes interrogées a indiqué que si des ressources importantes étaient effectivement consacrées à la recherche et l’innovation dans certains domaines de la lutte antimines, on ne s’intéresse que depuis peu aux initiatives technologiques mises en œuvre dans le secteur de l’éducation aux risques des engins explosifs et on n’a pas encore tiré pleinement parti des grandes avancées technologiques de ces dix dernières années. À noter cependant que depuis quelques mois, en raison de l’épidémie de COVID-19, les praticiens de l’EREE manifestent un intérêt croissant envers les outils et solutions numériques et en ont déjà adopté certains. Ce chapitre donne un aperçu des technologies utilisées pour mettre en œuvre et assurer le suivi d’activités d’EREE et décrit de quelle manière elles peuvent contribuer à surmonter les difficultés opérationnelles auxquelles le secteur est confronté. Il commence par un inventaire des principaux éléments de réflexion à prendre en compte selon les personnes interrogées, avant de présenter les initiatives en cours fondées sur des technologies précises, les bonnes pratiques et les enseignements qui ont été tirés de chacune d’entre elles. À noter que le présent document ne porte pas sur l’utilisation de supports à faible technicité comme les affiches, les brochures, les projections itinérantes, les saynètes, etc. Dans un souci de clarté, les technologies présentées ci-après ont été regroupées dans cinq grandes catégories sur la base des informations communiquées par les participants à l’étude:

• Les réseaux sociaux et autres plateformes de communication numérique • Les applications numériques

• La réalité augmentée et la réalité virtuelle • Le dispositif vocal d’éducation au risque • La collecte de données mobiles

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PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION

Principes directeurs régissant l’utilisation de la technologie dans le domaine de l’EREE Pour nombre de personnes interrogées, il est essentiel que les praticiens, dans le cadre de la conception et de l’utilisation d’outils numériques, respectent les mêmes principes directeurs que ceux qui régissent toutes les activités d’EREE: 12 • Les participants à l’étude ont expliqué que, pour réussir, tout projet numérique doit être fondé sur des données factuelles et reposer sur une étude des caractéristiques, besoins et problèmes de la population à risque afin de pleinement tenir compte de la situation, de la culture, des comportements et des attentes propres aux personnes qui seront en contact direct avec les technologies. Faire participer les utilisateurs finaux à l’élaboration de solutions numériques, dans la mesure du possible, a également été jugé important pour favoriser l’utilisation des outils proposés et accroître leur impact. • Les activités d’EREE les plus efficaces sont généralement celles qui présentent un caractère didactique et interactif et amènent le public cible à participer autant que possible à un véritable dialogue. L’opération peut se révéler plus complexe en distanciel qu’en présentiel mais elle reste possible. Il importe de transmettre des messages positifs, affectifs et stimulants (p. ex. des messages axés sur des solutions, incitant à mettre en garde/protéger autrui ou saluant des actions positives) plutôt que des messages négatifs ou à caractère technique. De même, les supports utilisés doivent veiller à n’exclure aucune partie, faire en sorte que personne ne soit laissé pour compte et préserver la dignité de toutes les personnes concernées. • Il convient de tester les messages et les outils proposés et de les adapter régulièrement en tenant de l’évolution du nombre de victimes et de la situation au niveau local. Certains participants à l’étude ont également insisté sur l’importance d’évaluations antérieures et postérieures à l’utilisation des outils de manière à mesurer leur impact (si la technologie le permet). • Il est essentiel de consacrer suffisamment de temps et de ressources à l’analyse de la situation lors du choix et de la conception des outils numériques de sorte qu’ils soient adaptés, qu’ils ne fassent pas double emploi et que leur utilisation ne porte pas préjudice aux personnes auxquelles ils s’adressent. Au nombre des éléments à prendre en compte lors de l’analyse de la situation figurent la diversité (p. ex. aptitude, handicap, déficience, âge, langue, degré d’alphabétisation, qualité de personne déplacée, qualité de migrant, situation socioéconomique et milieu urbain ou rural), le respect des sexospécificités et différente questions de sécurité (caractère sensible des informations, contexte politique, restrictions imposées vis-à-vis de certains appareils numériques et infrastructures technologiques, notamment en ce qui concerne l’accès à Internet et les smartphones), ces éléments pouvant influer sur la capacité des communautés exposées à accéder en toute sécurité à tel ou tel type de technologie et/ou à l’utiliser.

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Plusieurs autres éléments à prendre en considération ont été mentionnés, notamment dans le cadre de la mise en œuvre d’activités d’EREE. Comme indiqué précédemment, la collecte et l’analyse de données sont essentielles pour adapter les interventions, et les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle crucial dans les campagnes d’information et de sensibilisation. Cependant, il peut arriver que certaines communautés ne soient pas à l’aise avec les outils numériques et/ou que leur utilisation les mette en danger, en particulier dans des zones peu sûres et sous tension où ces outils pourraient être perçus comme des menaces à la sécurité. Selon les personnes interrogées, il est capital que les praticiens de l’EREE adoptent l’approche consistant à «ne pas nuire» pour garantir la sûreté et la sécurité du personnel et des communautés lors de la manipulation d’outils numériques mais aussi pour faire face aux problèmes de confidentialité et de sécurité 13 des données recueillies par l’intermédiaire de plateformes numériques. Une couverture satellite insuffisante, un accès à Internet limité ou des infrastructures réduites peuvent empêcher les activités d’EREE d’exprimer tout leur potentiel. Il convient par ailleurs de tenir compte des sexospécificités liées à l’utilisation d’Internet et de la téléphonie mobile. D’après le Rapport 2020 sur les inégalités entre hommes et femmes dans la téléphonie mobile , 14 les femmes sont 20% moins susceptibles que les hommes d’accéder à Internet au moyen d’un appareil mobile que les hommes. Cet écart est encore plus marqué dans certaines régions : il atteint 37% en Afrique subsaharienne et 51% en Asie du Sud. Selon ce même rapport, les femmes utilisent en moyenne un éventail plus restreint de services Internet que les hommes (p. ex. des applications), ce qui signifie que les espaces en ligne permettant d’atteindre les femmes sont probablement moins nombreux que ceux s’adressant aux hommes. Enfin, il importe de tenir compte des normes sociales relatives à l’utilisation de la technologie. En Afghanistan par exemple, l’envoi direct de SMS aux femmes d’une communauté au titre de l’EREE a provoqué une réaction hostile, et la confiance a dû être rétablie au moyen d’un important travail de dialogue communautaire. Plusieurs participants à l’étude ont souligné que les outils numériques étaient plus efficaces lorsque l’organisation ou l’entreprise entretenait déjà des relations avec les communautés cibles et qu’un climat de confiance et de compréhension mutuelles avait pu s’établir. D’autres ont indiqué qu’ils devaient une grande partie du succès de leurs campagnes sur les réseaux sociaux à leur présence de longue date dans le pays, à l’utilisation d’approches axées sur les communautés et à la relation de confiance instaurée par le biais des relais communautaires, des chefs de communautés et/ou de membres respectés de la communauté. C’est d’autant plus important dans les environnements instables où les praticiens de l’EREE sont amenés à adapter constamment leurs approches et où le risque de ne plus pouvoir directement accéder dans un avenir proche aux populations exposées est bien présent. Toujours en matière d’EREE, les personnes interrogées ont également indiqué qu’il était essentiel d’établir des liens avec les autorités pour faciliter la mise à l’essai et l’adoption à plus grande échelle d’outils numériques innovants axés sur l’utilisateur.

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Au vu de tous ces éléments, il semble donc que les campagnes numériques d’EREE soient plus efficaces lorsque, plutôt que de s’y substituer, elles viennent s’inscrire en complément d’autres activités d’EREE, y compris à un niveau interpersonnel ou en face à face. L’EREE à l’aide d’outils numériques produit ainsi un effet multiplicateur extrêmement rentable ; elle permet d’accroître la portée des activités et d’atteindre un plus grand nombre de personnes tout en renforçant les messages transmis par d’autres moyens que le numérique. À noter cependant que certains participants à l’étude ont fait état de campagnes numériques isolées lancées dans des théâtres d’opérations complexes mais, au moment de la rédaction du présent rapport, on ne disposait que de peu d’informations, voire d’aucune, sur leur incidence.

La force des partenariats

Plusieurs des participants à l’étude ont mis en avant le rôle fondamental des partenariats et des approches collaboratives, un élément crucial qui peut contribuer à réduire les coûts, gagner du temps, accélérer l’innovation et accroître l’efficacité globale et l’impact des nouvelles technologies dans le secteur de l’EREE. Plusieurs modèles de partenariats ont été évoqués : Certains ont indiqué que s’adresser aux divisions en charge de la responsabilité sociale des entreprises ou des opérations de philanthropie de grandes sociétés de technologie pouvait constituer un moyen d’obtenir un appui financier ou à titre gracieux pour des projets d’EREE en lien avec le numérique (comme illustré par l’étude de cas sur les publicités sur Facebook, p. 28) et de tirer parti des réseaux sociaux pour diffuser des messages d’éducation au risque jusque dans des zones difficiles à atteindre. D’autres ont mis en avant qu’il était important de s’associer avec des entreprises spécialisées dans des domaines comme la réalité étendue, le divertissement éducatif, les campagnes d’information en vue de la modification des comportements, le marketing, les télécommunications et autres, en fonction du projet d’EREE envisagé. Les participants à l’étude ont précisé que le plus souvent, les acteurs de ces secteurs connaissaient très mal la lutte antimines et/ou jugeaient l’EREE trop pointue; il incombe donc au secteur de la lutte antimines d’informer ces nouveaux partenaires potentiels et de mettre en relief les domaines dans lesquels ils peuvent apporter une valeur ajoutée. • Certaines personnes interrogées ont donné des exemples d’initiatives menées en collaboration avec plusieurs parties prenantes comme des autorités nationales, des opérateurs, des ministères, des instituts de recherche ou des entreprises de communication dans le but de trouver les moyens les plus efficaces de communiquer avec les bénéficiaires visés et de travailler ensemble à l’élaboration de projets d’EREE novateurs (à l’image du projet «Pasos seguros» mis en œuvre en Colombie présenté à la p. 77). Ce type de collaboration permet ainsi aux acteurs du secteur de l’EREE, du développement numérique et d’autres secteurs de mettre en commun leurs ressources et leurs compétences et d’échanger des points de vue différents pour définir la marche à suivre la plus adaptée.

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• D’après les participants à l’étude, la création de partenariats locaux avec des pôles médiatiques, des sociétés de technologie, des universités ou des entreprises du secteur privé au niveau national ou local serait elle aussi un moyen de garantir le caractère approprié, modulable et durable des plateformes et outils utilisés. Faire appel à des innovateurs locaux pour explorer de nouvelles pistes et concevoir des projets novateurs est un bon moyen de permettre à de nouveaux concepts de prendre forme et de favoriser la durabilité. • Plusieurs laboratoires d’innovation ont été sollicités pour développer de nouvelles technologies dans le domaine de l’EREE. Le Fabo Learning Lab 15 , une branche de l’ONG DanChurchAid (DCA) spécialisé dans le développement d’outils d’apprentissage en ligne, a ainsi créé des applications d’EREE pour le Myanmar et la Syrie (voir la section sur les applications numériques, p. 34). De même, des blogs consacrés à l’innovation, à l’image du blog Inspired 16 du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), de l’initiative Internet of Good Things 17 du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ou du réseau Accelerator Labs 18 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUE) peuvent être de bonnes sources d’inspiration. Enfin, l’organisation de hackathons dans le cadre de stratégies à long terme peut également contribuer à stimuler l’innovation pour relever les défis liés à l’EREE. • En définitive, nouer des relations ou des partenariats stratégiques entre projets, organismes et secteurs est crucial mais il convient de garder à l’esprit que l’opération demande du temps, de l’organisation et des ressources expressément allouées à

cette fin pour trouver et exploiter de nouvelles opportunités. Partage et transposition à plus grande échelle

S’il est généralement peu recommandé de « copier-coller » des solutions existantes pour les appliquer dans d’autres situations, plusieurs participants à l’étude ont indiqué que, plutôt que de créer quelque chose d’entièrement nouveau et/ou de provoquer des doubles emplois, ils avaient préféré adapter, réutiliser, améliorer et s’inspirer de produits numériques existants (p. ex. des applications relatives à l’EREE). Pour être plus précis, certains ont encouragé à réfléchir d’emblée à ce qui se passerait après la phase d’essai pilote de l’outil numérique à l’étude, et à commencer à jeter les bases de sa transposition à plus grande échelle. En d’autres termes, il conviendrait que tout nouveau projet numérique relatif à l’EREE s’inscrive dans le cadre d’une stratégie/politique organisationnelle plus vaste. Dans ce contexte, les praticiens ont fait part de plusieurs éléments à prendre en considération: obtenir d’emblée l’adhésion de la direction en ce qui concerne les raisons poussant à étudier et à investir dans de nouvelles technologies favorisant l’EREE; trouver des exemples de bonnes pratiques dans un environnement identique ou non et les faire connaître; définir clairement les politiques et les cadres internes nécessaires avant le démarrage du projet ; disposer d’une stratégie de financement et avoir identifié les bailleurs de fonds qui y contribueront ; et, si possible, élaborer une stratégie pour institutionnaliser l’outil et assurer sa pérennité. S’agissant du financement, il ressort de l’étude que certains donateurs s’intéressent de plus en plus aux projets relatifs à l’EREE et envisagent de les soutenir au titre de mesures d’atténuation des risques.

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Après adhésion de la direction, le processus de découverte, de partage et de développement est facilité lorsque l’organisation dispose de suffisamment de compétences en interne pour faire le point de la situation, procéder à un examen critique des pratiques en vigueur et, s’il y a lieu, réfléchir en commun aux moyens d’améliorer la mise en œuvre et le suivi des activités d’EREE. Pour ce faire, certaines organisations ont pris l’initiative, en interne, de créer une équipe spécialisée en EREE au niveau mondial ou à celui du siège et/ou une unité en charge de l’innovation à l’appui d’autres domaines de travail. 19 Dans l’intervalle, bien que l’échange d’informations entre praticiens de l’EREE se soit amélioré grâce au Groupe de travail international sur l’éducation au risque des mines, 20 au Groupe consultatif sur l’éducation aux risques des engins explosifs et au Mine Action Area of Responsibility, il a été préconisé de renforcer la collaboration transversale au sein des organisations et de créer un référentiel en ligne consacré à l’EREE qui présenterait également les projets numériques et technologiques existants afin de faciliter le partage de données d’expérience et d’informations sur le mode d’utilisation de ces outils et sur la façon dont les praticiens d’autres organisations les adaptent et/ou les améliorent en fonction d’environnements différents. Après avoir exposé un certain nombre de considérations d’ordre général sur la façon de mettre la technologie au service de l’EREE, ce chapitre se propose d’étudier plus en détail certaines technologies extrêmement prometteuses.

MÉDIAS SOCIAUX ET AUTRES PLATEFORMES DE COMMUNICATION NUMÉRIQUE

Ces dix dernières années, les médias sociaux et les plateformes de communication numérique, à la fonctionnalité et à la portée très diverses, ont connu un essor fulgurant. En avril 2020, on estimait à 3,81 milliards le nombre d’utilisateurs actifs de réseaux sociaux, soit près de la moitié de la population mondiale. 21 La figure ci-dessous présente des exemples de médias sociaux parmi les plus prisés au monde.

Facebook

YouTube

Twitter

WhatsApp

Instagram

Facebook Messenger

Viber

Skype

Snapchat

Zoom

TikTok

Reddit

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